À l’approche des élections au Parlement européen (6 au 9 juin 2024 selon les pays), le Cercle Agénor a sollicité une dizaine de citoyens européens, résidant aux quatre coins de l’Union européenne ou dans son voisinage immédiat, pour partager avec nous leur regard, situé, informé, analytique, sur la campagne telle qu’elle se déroule dans leur pays… En savoir plus
Né à Lyon, Pierre-Luc Vervandier réside depuis plus de 14 ans à Bruxelles, où il est très impliqué dans la vie du quartier européen. Il est vice-président du Mouvement Démocrate des Français à l’étranger, chargé des pays du Benelux, et candidat aux élections européennes en France sur la liste “Besoin d’Europe”.
Alors, les élections européennes en Belgique ? La campagne, pour ainsi dire, n’a pas vraiment commencé, et je pense qu’elle ne commencera jamais, puisque les Belges ne sont pas du tout intéressés par ce scrutin. En fait, les Belges voteront le 9 juin pour trois élections en même temps : les élections fédérales, les élections régionales et les élections européennes. Dans les trois cas, ce sont des scrutins de liste. Et dans les trois cas, il y a des découpages électoraux par couple linguistique. La Belgique est un pays où les partis sont doublés à cause des bords linguistiques.
Pierre-Luc Vervandier. J’habite en Belgique, à Bruxelles. Je vis et je travaille dans le quartier européen, entre les institutions.
Alors, les élections européennes en Belgique ? La campagne, pour ainsi dire, n’a pas vraiment commencé, et je pense qu’elle ne commencera jamais, puisque les Belges ne sont pas du tout intéressés par ce scrutin. En fait, les Belges voteront le 9 juin pour trois élections en même temps : les élections fédérales, les élections régionales et les élections européennes. Dans les trois cas, ce sont des scrutins de liste. Et dans les trois cas, il y a des découpages électoraux par couple linguistique. La Belgique est un pays où les partis sont doublés à cause des bords linguistiques. Donc il y a deux partis verts, par exemple. Il y a deux partis qui sont chez Renew Europe : le VLD pour les Flamands, le MR pour les francophones. Il y a deux partis socialistes, etc. Et donc c’est une vie politique qui est quand même assez compliquée.
D’autre part, le fédéralisme belge est très poussé. Donc les régions ont beaucoup de compétences. Et en fait, finalement, ce dont on parle le plus pendant la campagne pour le triple scrutin, c’est vraiment de l’échelon régional. C’est plutôt là qu’il y a vraiment des programmes qui se distinguent. Pour ce qui est du fédéral, il y a une grande peur de la montée de l’extrême droite en Flandre. Donc c’est un scrutin qui fait assez peur.
Du coup, l’élection européenne est complètement reléguée. On en parle très très peu, même s’il y a des vraies têtes d’affiches qui sont têtes de listes. Notamment Sophie Wilmès pour le Mouvement réformateur, qui est une ancienne Première ministre, ou Elio Di Rupo, qui est aussi un ancien Premier ministre pour les socialistes belges francophones.
Donc voilà. Une campagne qui ne démarre pas. Et aussi, quels rapports ont les Belges avec le Parlement européen ? Je dirais que depuis quelques temps, ils ont un rapport assez négatif au Parlement européen, puisque pour eux, il est beaucoup associé à des histoires de corruption, à des histoires de valises de billets qui ont été transportées dans Bruxelles, à des histoires d’espions, et à des histoires d’euro- députés ou d’assistants qui sont complètement compromis par des puissances étrangères. Donc une image quand même assez négative. Le Qatargate ou l’influence de la Russie ou l’influence de la Chine ont eu une très mauvaise image sur cette institution en Belgique. La guerre en Ukraine, c’est un sujet dont on parle. Par contre, le conflit israélo-palestinien, c’est un conflit sur lequel il y a… C’est beaucoup plus tabou, en fait. Donc on en parle moins. En tout cas, on n’en parle pas de la même manière qu’en France. Voilà ce que je peux dire pour les élections européennes en Belgique.
Et puis on doit aussi regretter que d’habitude, à Bruxelles, pour les élections européennes, les partis politiques européens sont très impliqués. Donc normalement, le Parti populaire européen, l’ALDE, les socialistes et démocrates avaient pour tradition d’organiser des grands événements qui rassemblaient beaucoup de monde. Et là, ce n’est pas le cas cette année. On a l’impression que c’est une élection européenne qui peine à mobiliser aussi bien au niveau belge qu’au niveau européen. Donc ça ne se passe pas du tout de la même manière que ça se passait autrefois. Moi, je me souviens par exemple des élections européennes de 2014 où il y avait une vraie campagne européenne avec 3 candidats européens très identifiés, Jean-Claude Juncker pour le PPE, Guy Verhofstadt pour l’ALDE ou Martin Schulz pour les socialistes européens. Tous les 3 avaient leur bus de campagne et se déplaçaient dans toute l’Europe et remplissaient des salles. Ce n’est pas du tout le cas cette année où on a vraiment 27 campagnes nationales. Et donc c’est quand même des élections européennes qui sont un symbole de repli sur soi et peut-être une certaine indifférence en tout cas pour Bruxelles. Moi, j’habite à Bruxelles depuis 14 ans et je crois que c’est la campagne la plus triste que j’ai jamais vue. Voilà, donc je le regrette.
Je le regrette fortement alors qu’on a un Parlement européen qui a beaucoup travaillé, qui a pris plein de nouvelles compétences ces dernières années, en tout cas qui s’en est vraiment saisi. On a parfois réussi un peu à tordre le traité pour qu’il y ait plus de co-décisions que ce qui était un peu prévu au départ. Donc c’est un peu dommage de voir que cette campagne ne démarre pas et n’intéresse pas les gens.