L’année 2017 marque pour la vie politique française en général, et pour le Centre en particulier, un tournant historique. La victoire à l’élection présidentielle d’Emmanuel Macron, en mai, puis la constitution, en juin, d’une majorité parlementaire autour du mouvement présidentiel La République en Marche (LREM) et du Mouvement Démocrate (MoDem) constituent, en effet, le premier grand succès de l’axe politique central en France depuis 1974 et l’arrivée au pouvoir de Valéry Giscard d’Estaing. Héritier de la Deuxième Gauche sociale-démocrate de Michel Rocard, inspiré par la pensée du philosophe humaniste Paul Ricoeur, compagnon de route du personnalisme, Emmanuel Macron puise à l’une des sources du Centre français. En s’alliant avec François Bayrou et son MoDem, héritiers quant à eux de la démocratie-chrétienne, une autre source importante du Centre, il a composé une vaste force centrale qui doit désormais se confronter à l’exercice du pouvoir.
Pour le Cercle Agénor, groupe de réflexion et de propositions sur les questions européennes et internationales dans une perspective centriste, ce moment est d’importance puisqu’il donne l’occasion rare à des personnalités centristes ou de l’axe central de conduire la politique étrangère de la France. Cette politique sera t-elle pour autant centriste ? Tout au long du mandat présidentiel d’Emmanuel Macron, nous serons particulièrement attentifs aux directions qu’elle prendra, afin d’y déceler, peut-être, une cohérence centriste. Nous ne manquerons pas de l’appuyer si elle est effectivement portée par les valeurs et les principes du Centre, sans jamais renoncer à notre esprit critique.
Encore faut-il savoir de quelles valeurs et de quels principes parlons-nous. En cette année d’effervescence électorale, le Cercle Agénor a souhaité prendre un peu de recul et réfléchir aux principes et valeurs qui fondent son point de vue sur le monde. Cette réflexion a abouti à la rédaction d’un manifeste qui a vocation à s’inscrire dans le temps en référence idéologique pour nos travaux.
Notre problématique de départ : le Centre est porteur de valeurs fortes mais ces valeurs font-elles sens en matière de politique étrangère ? Peuvent-elles fonder une politique étrangère singulière ? Et, si c’est le cas, sur quels principes en particulier une politique étrangère centriste peut-elle s’appuyer ?
Le Centre en France s’est construit depuis le XIXe siècle sur le dépassement de deux clivages puissants : l’opposition entre République et Eglise catholique, et l’opposition entre individualisme capitaliste et étatisme communiste ou fasciste. Ces deux clivages perdurent au cœur de nos sociétés, comme le prouvent les débats toujours animés sur la place de la religion dans l’espace public et la remise en question radicale de l’ordre libéral victorieux en 1990. Quoiqu’ancré dans le camp capitaliste et libéral, le projet européen, inspiré notamment par le Centre français, a cherché à proposer une alternative au modèle économique hyper capitaliste anglo-saxon, reprenant à son compte l’idée ordo-libérale d’« économie sociale de marché », mise en œuvre en Allemagne depuis 1948. Aujourd’hui, le Centre défend toujours une formule économique originale, qui maintienne un équilibre durable entre la liberté et la protection de tous les acteurs de l’économie et de la société, tout en luttant contre les rentes excessives et les dérives spéculatives de la finance.
De même, quand il s’agit de définir les objectifs de la politique étrangère, un autre clivage puissant émerge, entre défense de l’intérêt national, qui relèverait du réalisme ou de la realpolitik, et défense des droits de l’Homme, qui relèverait de l’idéalisme. Nous pensons qu’il est, là aussi, possible de concilier ou de dépasser ces deux objectifs, en considérant la promotion du bien commun, dont la paix et le respect des droits de l’Homme forment le cœur, comme un élément constitutif de l’intérêt national. De notre point de vue, la promotion d’une paix internationale durable, qui suppose le respect des droits fondamentaux de la personne humaine, est le premier des intérêts nationaux, en ce qu’elle assure une stabilité à la nation et réduit les risques extérieurs.
En matière de politique étrangère comme de politique intérieure, une troisième voie est possible ! C’est cette troisième voie que notre Cercle compte sillonner, renforcer et promouvoir au-delà des fossés qui la séparent des courants dominants. Cette troisième voie, c’est celle des humanistes, des pacifistes lucides, des démocrates et des fédéralistes.
Pour ce second numéro de la revue du Cercle Agénor, nous proposons à votre lecture le manifeste qui donne sens et cohérence à notre vision centriste du monde puis une sélection d’articles écrits au gré des inspirations des membres du Cercle dans l’esprit de ce manifeste : une tribune sur le projet européen d’Emmanuel Macron, un entretien avec le chercheur libanais et français Joseph Bahout sur la politique de la France au Moyen-Orient, un article sur les enjeux de la relation économique entre la France et la Chine, et un portrait du centriste Jean-Louis Borloo engagé en faveur de l’électrification de l’Afrique.
Nous vous souhaitons une bonne lecture !
Pierre-André HERVÉ est cofondateur et Président du Cercle Agénor. Consultant indépendant spécialisé en gestion des risques internationaux (Moyen-Orient, en particulier), il rédige par ailleurs une thèse de doctorat à l’Ecole Pratique des Hautes Etudes (EPHE) sur l'histoire du confessionnalisme politique au Liban. Diplômé de l’université Paris I Panthéon-Sorbonne (géographie, 2010) et de SciencesPo (sécurité internationale, 2013), il a occupé diverses fonctions dans les secteurs public et privé. En 2017 et 2018, il était conseiller sur les affaires étrangères et la défense du groupe MoDem à l'Assemblée Nationale.
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Pierre-André Hervéhttps://www.cercle-agenor.org/author/paherve92/24 mai 2024
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